Dernière modification le 3 janvier 2023
Hinter a loué à des chauffeurs une licence temporaire
Article de nos confrères de Mediapart
« Depuis 2014, par l’intermédiaire de sa filiale Hinter, le géant des applications de création site VTC a loué à des centaines, voire à des milliers de chauffeurs « partenaires » une licence temporaire leur donnant le droit de travailler. En deux ans, ce discret business lui a rapporté plus de 440 000 euros net. Mais pour le gouvernement, « cette pratique est illégale ». Nos révélations.
Les chauffeurs Uber sont encore loin d’être satisfaits. Ce lundi 16 janvier, ils ont prévu de se rassembler place de la Bastille, à Paris, pour gêner la circulation et protester contre leurs conditions de travail et de rémunération. Comme lors du mouvement de fin décembre, où ils avaient notamment bloqué les abords des aéroports parisiens, les représentants de divers syndicats et collectifs de création de chauffeurs VTC (voiture de tourisme avec chauffeur) demandent que l’application Uber, qui domine largement le marché et qu’ils sont plusieurs milliers à utiliser pour être mis en relation avec leurs passagers, revoie ses conditions tarifaires.
Le 8 décembre, à la surprise générale, Uber avait augmenté le prix des courses de 15 % en moyenne, mais avait aussi imposé le passage de 20 à 25 % des commissions que les chauffeurs doivent lui payer. Pas de quoi satisfaire les conducteurs « partenaires », qui réclament de mieux gagner leur vie. Une revendication qui ne cesse de prendre de l’ampleur depuis octobre 2015, lorsque Uber avait baissé de 20 % le tarif des courses, au moment même où les candidats affluaient à ses portes pour devenir chauffeurs et utiliser son application (nous expliquions ici les dessous du dossier). Toujours plus de chauffeurs, pour des courses qui rapportaient moins : le ferment de la colère d’aujourd’hui était planté.
Et cette colère ne s’apaisera sans doute pas avec les révélations de Mediapart : depuis fin 2013, date à laquelle Uber s’est implanté en France, l’entreprise qui propose la célèbre application se livre à un petit business discret, très profitable et entièrement illégal, comme nous l’a confirmé le gouvernement. Par l’entremise de la société Hinter France, une de ses filiales à 100 %, Uber propose à des chauffeurs de leur louer une « licence VTC », moyennant le paiement d’une commission de 5 % sur les courses effectuées. Selon nos calculs, ce procédé illicite a concerné des centaines, voire des milliers de chauffeurs depuis 2014. En 2014 et 2015, il a rapporté à l’entreprise la somme totale de 443 700 euros, après impôt. »
L’existence de Hinter, le faux nez d’Uber, est un secret de Polichinelle dans le secteur. La plupart des chauffeurs en ont entendu parler et nombreux sont ceux qui ont eu recours aux services de cette société. Farid Aieche, le président du Syndicat des exploitants du transport de personnes (SETP), a collecté des informations sur la société, puis établi un dossier explicite dès la fin 2015. « Cela fait seize ans que je travaille dans le secteur, explique-t-il à Mediapart. Tout le monde sait que si une entreprise de VTC a le droit de faire rouler ses salariés avec sa propre licence professionnelle, la loi interdit en revanche de louer cette licence à des chauffeurs extérieurs. Or, c’est bien ce que fait Hinter, en proposant des locations, contre une commission sur les courses. »
L’existence de Hinter, le faux nez d’Uber, est un secret de Polichinelle dans le secteur. La plupart des chauffeurs en ont entendu parler et nombreux sont ceux qui ont eu recours aux services de cette société. Farid Aieche, le président du Syndicat des exploitants du transport de personnes (SETP), a collecté des informations sur la société, puis établi un dossier explicite dès la fin 2015. « Cela fait seize ans que je travaille dans le secteur, explique-t-il à Mediapart. Tout le monde sait que si une entreprise de VTC a le droit de faire rouler ses salariés avec sa propre licence professionnelle, la loi interdit en revanche de louer cette licence à des chauffeurs extérieurs. Or, c’est bien ce que fait Hinter, en proposant des locations, contre une commission sur les courses. »
Interrogé par Mediapart, Uber assume, mais insiste sur l’aspect temporaire de la location (lire sous l’onglet Prolonger l’ensemble des questions posées à l’entreprise et ses réponses) : « La société Hinter France SAS permet à des chauffeurs titulaires de la carte professionnelle et faire un site pour VTC ayant déposé leur demande d’inscription en tant qu’exploitant de VTC, au sens du code des transports, de bénéficier de sa propre autorisation administrative d’exploitation, à titre provisoire, confirme l’entreprise. […] Une telle mise à disposition s’effectue contre rémunération sur le chiffre d’affaires ainsi réalisé. »
Pour travailler à son compte, sous le statut d’autoentrepreneur la plupart du temps, un chauffeur doit en effet posséder une carte professionnelle, mais aussi être inscrit au registre des exploitants de voitures avec chauffeur. Cette inscription peut prendre de un à trois mois, mais nécessite de posséder ou de louer au préalable une voiture professionnelle. « Comme bien d’autres, j’ai utilisé pendant presque deux mois une licence Hinter lorsque j’ai commencé à être chauffeur VTC en 2015, témoigne Clément (son pré